« L’expertise psychiatrique est utile au juge pour l’instruction du dossier »
Psychiatre et addictologue, le Dr. Gilles Uzzan est également expert judiciaire près la Cour d’Appel d’Amiens. Il est régulièrement sollicité pour réaliser des expertises après la commission de crimes, de délits ou dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Dr. Uzzan, à quoi sert une expertise judiciaire et à quel moment de la procédure intervient-elle ?
Elle permet de faire une évaluation clinique du sujet au moment des faits. Un expert psychiatre n’est ni un enquêteur, ni un juge, ni un avocat : il est un médecin, même s’il est bon de préciser que dans le cadre d’une expertise, il ne peut pas assurer le suivi du patient en tant que psychiatre référent. On peut nous appeler pendant la garde à vue pour réaliser une analyse rapide du mis en cause, une première approche qui demandera à être étayée. Le plus souvent, l’expert est sollicité par le juge d’instruction après la mise en examen. Enfin, le juge d’application des peines peut aussi nous demander un avis dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Sur quels éléments vous basez vous pour réaliser une expertise ?
Je reçois le sujet mis sous main de justice comme un patient lambda. Outre l’examen clinique, je l’interroge sur son histoire de vie, ses parents, ses frères et sœurs, sa scolarité, sa vie professionnelle.
Parce que parfois, la personne ne dit pas tout, j’ai aussi accès aux procès-verbaux d’audition, à l’enquête éducative le cas échéant, je peux demander au juge qu’il réquisitionne les dossiers médicaux pour les personnes déjà suivies en psychiatrie notamment.
Une fois votre rapport terminé, que se passe-t-il ?
Mes conclusions sont utiles au juge pour mener son instruction et décider des suites à donner à celle-ci. Durant le procès, je communique cette expertise aux jurés qui ne connaissent absolument rien à la psychiatrie. Il faut user de pédagogie pour qu’ils comprennent le langage clinique, sinon on les perd.
Psychiatre, expert judiciaire, je suis très souvent confronté à ce type de profil, à savoir, troubles psychotiques bref sous tendu par une consommation de toxiques au moment des faits. J’ai toujours considéré personnellement, et beaucoup d’experts sont d’accord, que les toxiques sont des facteurs aggravants mais non abolissants, surtout lorsqu’il s’agit d’une consommation volontaire et habituelle, le sujet connaissant dans ce cas les conséquences néfastes.
Tout au plus, on peut considérer une altération du discernement au moment des faits mais en aucun cas une abolition.
En cas d’altération, le sujet est pénalement responsable et il est jugé. La peine tiendra compte de l’altération mais il reste en prison, soigné par l’équipe de l’UCSA.
Rappelons que dans tous les cas de figure, le sujet reste civilement responsable.
Faire appel à la Cour Européenne des Droits de l’Homme est donc justifié dans l’affaire de Sarah Halimi (que son souvenir soit une bénédiction comme nous l’exprimons dans le judaïsme)
Psychiatre – addictologue
Expert judiciaire